Construire des villes plus vertueuses en promouvant la démarche bas carbone

Rencontre avec Stanislas Pottier Président de l’association BBCA

Créée en 2015, l’Association pour le Développement du Bâtiment Bas Carbone a lancé plusieurs labels attestant de l’empreinte carbone d’un bâtiment durant les trois phases de son cycle de vie : construction, exploitation et fin de vie. Elle co-organise le Sibca.

L’Association pour le Développement
du Bâtiment Bas Carbone est née en 2015 : quelles sont ses principales missions ?

En 2015, un certain nombre d’acteurs de la construction et de la promotion ont estimé que leurs efforts pour construire de façon plus responsable n’étaient pas reconnus par la réglementation et les différents labels existants. En effet, ceux-ci prenaient uniquement en compte l’efficacité énergétique alors que ce n’est pas le seul indicateur à regarder si l’on veut vraiment mesurer la performance carbone d’un bâtiment. L’idée a alors germé de créer l’association BBCA et de lancer le premier label qui atteste de l’exemplarité de l’empreinte carbone d’un bâtiment durant les trois phases de son cycle de vie : construction, exploitation et fin de vie. Cela n’avait jamais été fait auparavant. Il s’agit donc de prendre en considération les matériaux utilisés, la façon dont le bâtiment est construit, les techniques employées, son exploitation, etc.
L’association a ainsi voulu réunir l’ensemble des acteurs de « l’acte de construire », c’est-à-dire les constructeurs, les promoteurs, les bureaux d’études, les architectes. Il s’agit uniquement de personnes morales ou physiques en direct et pas de collectifs, de façon à être plus agiles et plus réactifs, et pas de fabricants de matériaux non plus, de façon à être neutres vis-à-vis des différents matériaux, le seul critère étant le carbone. L’association est née en octobre 2015 et a bénéficié d’un important élan politique, car au même moment avait lieu la COP 21.


Le lancement par BBCA du premier label, en 2016, a marqué une étape importante.
Où en est-on aujourd’hui ?

Dès 2016, l’association a produit son premier référentiel. L’objectif de BBCA et de ses membres est d’essayer – dans une démarche à la fois théorique, avec les bureaux d’études, mais aussi pratique, avec les acteurs de terrain – de déterminer quels sont les moments où l’on émet du carbone dans la chaîne de valeur d’un bâtiment et la façon de le comptabiliser. Ainsi, le premier référentiel que nous avons produit concerne la construction neuve.
Par la suite, ces référentiels sont repris par des certificateurs qui eux-mêmes vont délivrer des labels BBCA aux acteurs répondant à ces niveaux d’exigences.
Ces référentiels sont actualisés, car il s’agit de prendre en compte l’expérience de terrain, les techniques mises en œuvre et les innovations faites par toutes les parties prenantes de l’acte de construction. C’est pourquoi nous en sommes aujourd’hui à la quatrième version du référentiel bâtiment neuf, qui va embarquer aussi les dernières évolutions de la règlementation RE2020.

Nous avons ensuite diversifié notre champ d’actions. Il existe ainsi un référentiel rénovation lourde, car c’est un moment où beaucoup de carbone peut être émis, et il est pertinent d’essayer d’identifier les bonnes pratiques et d’avoir dans ce cas une méthode précise de comptage du carbone. Nous sommes également sur le point de finaliser un référentiel sur l’exploitation, car l’enjeu de cette phase n’est pas uniquement de faire des économies d’énergie : il y a beaucoup de bonnes pratiques à mettre en œuvre et il faut avoir un comptage beaucoup plus large, si l’on veut améliorer son efficacité carbone dans un bâtiment existant sans forcément entrer dans une rénovation lourde. Ce concept d’exploitation bas carbone est une notion clé pour les investisseurs. Par ailleurs, nous avions lancé une réflexion sur le concept de quartier pour lequel nous avons produit un ouvrage posant un certain nombre de principes. D’ici la fin de l’année, nous serons capables d’avoir un véritable référentiel définissant ce qu’est un quartier bas carbone. Beaucoup de collectivités locales, d’aménageurs, de donneurs d’ordres se sont lancés dans l’aventure d’éco-quartiers, mais l’indicateur carbone a rarement été regardé de façon précise et complète. Nous allons donc livrer une façon de faire. Nous avons enfin créé un label sectoriel pour les hôtels.

Comment analysez-vous l’importance de votre intervention pour faire évoluer les pratiques et les réglementations ?

La vocation de l’association est de mobiliser la profession, ceux qui sont à la pointe et ont envie de s’engager dans la transition écologique et la performance bas carbone, et de faire partager leur expérience au sein de la communauté. Nous avons assez vite été reconnus par les autorités et nous avons eu un dialogue très constructif avec le ministère de la Transition écologique et en particulier avec la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP). L’enjeu était à la fois de travailler sur les contenus des référentiels et de contribuer à faire évoluer la réglementation. Nous avons donc été largement consultés et sommes à l’origine du mouvement opéré par la RE2020 qui est une véritable révolution. Contrairement aux réglementations précédentes qui étaient uniquement thermiques, nous avons aujourd’hui une réglementation environnementale qui concerne l’ensemble du cycle de vie du bâtiment ; ce qui positionne la France en pointe par rapport aux autres pays.


Votre intervention s’étend-elle uniquement à l’échelle nationale ? La France est-elle suivie par d’autres pays, notamment européens, dans ce domaine ?

Nous voulons élargir notre intervention à l’international. La dernière initiative lancée récemment, avec un certain nombre de partenaires européens, est la LCBI (Low carbon building initiative). Il s’agit d’une initiative visant à proposer rapidement un référentiel de la construction neuve bas carbone applicable dans plusieurs pays européens, cohérent avec les différentes règlementations. C’est un travail assez fastidieux, mais il y a une vraie demande et notre projet devrait aboutir d’ici l’automne. Nous allons ainsi essayer de contribuer à un changement d’état d’esprit et pousser les feux au plan européen… d’autant que la France compte des entreprises majeures de la construction. On retrouve actuellement l’élan observé lors de la COP21 car les acteurs réalisent la nécessité de trouver des solutions pour faire face à l’urgence climatique.
Certains acteurs – tels que les Canadiens, les Britanniques et les Néerlandais – sont très motivés. Les pays du Nord et l’Europe centrale, qui ont longtemps été habitués au bois, utilisent déjà des matériaux biosourcés dans le bâtiment. Mais ce sont de petits marchés et nous allons nous concentrer sur ceux du Benelux, de l’Allemagne et de l’Italie qui sont plus vastes mais moins avancés. En Allemagne, par exemple, la prégnance du réflexe d’économie d’énergie et d’efficacité énergétique est importante. Comme nous avons des mobilisations très fortes sur l’agenda écologique, je suis optimiste. Et nous allons également essayer de mobiliser l’Europe, en ligne avec la réglementation d’ordre général sur le reporting extra-financier des entreprises. Il y a un ajustement à faire pour que la réglementation concernant le bâtiment soit aussi exigeante et se concentre sur le véritable indicateur climat : la tonne équivalent carbone émise.


L’association BBCA est co-organisatrice du premier Salon de l’Immobilier Bas Carbone, le Sibca. Quels sont vos objectifs et vos attentes à ce sujet ?

Plutôt que de participer à d’autres salons, nous avons voulu créer, avec notre partenaire France Conventions, un salon entièrement dédié au bas carbone et avec une exigence de qualité et d’engagement des exposants, car le sujet est vraiment très important : cela permet de favoriser la cohérence en ce qui concerne les exposants et les visiteurs. C’est un salon professionnel, mais il y aura également une journée ouverte au grand public et aux étudiants car nous constatons un réel besoin d’information et de formation. Le salon se tiendra au Grand Palais Éphémère, un lieu qui a été conçu par l’architecte Jean-Michel Wilmotte, de façon responsable. Bien qu’il y ait beaucoup d’acteurs français, c’est un salon international. Et nous avons d’ores et déjà réservé une date pour l’année prochaine afin d’en faire un rendez-vous régulier de l’ensemble du secteur. Nous allons inviter quelques partenaires européens. Le troisième jour du salon est dédié à la formation et à l’emploi, car ce secteur a besoin de talents. L’enjeu est donc, grâce au Sibca, de conforter notre position d’acteur majeur dans ce domaine.

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