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Grand entretien
Nicolas Ferrand, Directeur général exécutif de la SOLIDEO
Livrer en moins de six ans les 64 ouvrages olympiques pérennes
nécessaires aux Jeux de Paris 2024, telle est la mission que la SOLIDEO, Société de livraison des ouvrages olympiques, est chargée de remplir.
Entretien réalisé par Marie Bonnie
Nous avons pensé les ouvrages olympiques
avant tout pour leur usage en héritage des Jeux ”
Quelle est la mission de la SOLIDEO ?
La SOLIDEO est l’établissement public créé en 2017 spécifiquement pour les Jeux. Nous avons dans
notre programme la réalisation de soixante-quatre ouvrages olympiques, qui seront nécessaires durant les Jeux et qui laisseront ensuite un héritage au bénéfice direct des territoires et de leurs habitants. Les projets sont très variés. Cela va du Village des athlètes et du Village des médias - deux nouveaux quartiers de près de quatre mille logements au total - à la rénovation d’une vingtaine d’équipements sportifs de proximité, en passant par des infrastructures telles que des ponts, ou encore des équipements d’envergure internationale comme le Centre Aquatique Olympique (CAO). Nous livrerons l’ensemble de ces ouvrages au Comité d’organisation en mars 2024, qui les utilisera pendant le temps des Jeux. Pour résumer, nous construisons le théâtre et Paris 2024 organise la pièce !
Pouvez-vous expliquer l’objectif fixé par la SOLIDEO pour mener à bien sa mission ?
Au-delà de la mission de livrer soixante-quatre ouvrages olympiques dans les temps et dans les coûts prévus, et en résonnance avec l’objectif de Paris 2024 de réaliser des Jeux sobres, durables et inclusifs, nous nous sommes fixé des ambitions fortes en matière d’excellence environnementale, d’accessibilité universelle et d’inclusion sociale. Nous avons également travaillé avec tous les acteurs engagés pour stimuler l’innovation. L’objectif est de faire des ouvrages une vitrine de l’excellence et du savoir-faire français en matière d’aménagement et de construction.
Surtout, nous avons pensé les ouvrages olympiques avant tout pour leur usage en héritage des Jeux, dans les trente prochaines années. Dès lors, nous avons fait le choix de laisser la maitrise d’ouvrage d’un certain nombre d’équipements directement aux collectivités qui en seront gestionnaires après les Jeux, par exemple le CAO ou l’Arena Porte de la Chapelle. Cela permet de s’assurer que les projets répondent aux besoins futurs de la population. Nous avons ainsi trente-deux maîtres d’ouvrage, publics et privés, qui sont engagés au quotidien dans la réalisation des ouvrages olympiques.
Quelle est la stratégie mise en place pour prendre en compte l’Accord de Paris sur le climat ?
À travers les ouvrages olympiques, nous souhaitons laisser un héritage durable qui réponde aux grands enjeux environnementaux du XXIe siècle. Pour réaliser les premiers Jeux alignés sur l’Accord de Paris, nous avons élaboré et mis en œuvre, dès 2018, une stratégie d’excellence environnementale. Cette stratégie accompagne la construction de la ville de demain, durable, vivante et où
il fait bon vivre. Signée par le conseil d’administration de la SOLIDEO, elle s’oriente autour de trois axes majeurs :
- diminuer de moitié les émissions de gaz à effet de serre ;
- assurer le confort thermique en ville à horizon 2050 ;
- faire de la ville un support de la biodiversité en favorisant la continuité des corridors écologiques pérennes à horizon 2050.
Pour ce faire, nous avons poussé très haut les standards sur chaque ouvrage : recours massif au bois et aux matériaux biosourcés, conception bioclimatique, réemploi ou encore végétalisation des espaces et des toitures. L’ensemble de ces procédés nous permet notamment sur le Village des athlètes de réduire le bilan carbone de près de 50 % par rapport à un projet classique. C’est inédit.
Comment la SOLIDEO a-t-elle fait face aux problèmes d’approvisionnement en matières premières, notamment le bois ?
Nous avons pris de nombreuses précautions en amont qui nous ont permis d’anticiper au mieux. Nous suivons ce sujet très rigoureusement et avec une vigilance particulière avec l’ensemble des maîtres d’ouvrage des chantiers olympiques ; car la disponibilité des matériaux et équipements est bien entendu cruciale pour nos chantiers. Nous avons connu une grosse alerte en mars 2022, dans les premières semaines de la guerre en Ukraine, dans tous les métiers liés au BTP. Nous avons alors alerté la filière et les structures de l’Etat. Depuis, nous suivons l’évolution de la situation systématiquement, avec l’ensemble de nos partenaires. Mais aujourd’hui, dans l’ensemble, l’inquiétude sur l’indisponibilité de certains composants est retombée. Nous restons bien entendu vigilants, en coordination avec l’ensemble de notre écosystème, sans pour autant être inquiets.
Emploi et économie locale sont au cœur du projet, quelle est la place pour des PME/TPE et structures de l’ESS (Economie sociale et solidaire) ?
Depuis le début, nous travaillons pour que les opportunités liées aux Jeux puissent profiter à toutes et tous. Dès 2018, la SOLIDEO a développé une charte en faveur de l’emploi et du développement territorial, qui a été signée par le conseil d’administration et s’applique donc à l’ensemble des ouvrages olympiques. A travers cette charte, les parties prenantes se sont engagées à réserver 25 % du montant des marchés à des TPE/PME et structures de l’ESS ; soit cinq cent trente-quatre millions d’euros.
Et je suis très heureux de vous dire que cet objectif est d’ores et déjà dépassé depuis janvier 2023 !
Le 16 avril 2023, nous avions déjà passé six cent trente-neuf millions d’euros de marchés avec mille sept cent soixante-douze TPE/PME et structures de l’ESS, réparties dans quatre-vingt-cinq départements différents. C’est toute la France qui participe aux ouvrages olympiques !
Ces résultats exceptionnels ont été rendus possibles grâce à la palette de dispositifs mis en place, à l’image des plateformes ESS 2024 et Entreprises 2024, qui ont permis d’informer au quotidien les entreprises et de mobiliser les acteurs économiques sur tout le territoire.
Comment les chantiers ont-ils été un tremplin pour l’insertion professionnelle ?
A l’image de notre objectif envers les entreprises, l’insertion professionnelle est également un axe majeur de la charte emploi. Toutes les parties prenantes se sont ainsi engagées à réserver 10 % des heures travaillées à l’insertion, contre 5 % en moyenne habituellement. Cela représente plus de deux millions quatre cent mille heures dédiées aux publics éloignés de l’emploi sur les ouvrages olympiques.
Pour remplir cet objectif ambitieux, nous avons travaillé dès le début avec les collectivités, Pôle Emploi, et tous les acteurs de l’emploi pour informer et faire connaitre les opportunités. Des rencontres emplois ont également été organisées pour favoriser la rencontre entre les entreprises et les candidats. Ici aussi, les résultats sont là. Au 16 avril 2023, plus d’un million neuf cent mille heures d’insertion ont déjà été réalisées, au bénéfice de deux mille sept cent cinquante-sept personnes qui ont pu retrouver un emploi grâce aux Jeux ! La réussite de notre mission est aussi ici.
L’accessibilité universelle était aussi l’un des engagements pris par la SOLIDEO, comment
se concrétise-t-elle ?
Au même titre que l’excellence environnementale et sociale, l’accessibilité universelle fait partie des grandes ambitions de la SOLIDEO. De la même manière, nous avons ainsi développé une stratégie d’accessibilité universelle qui se décline sur l’ensemble des ouvrages. Pensée pour concevoir des ouvrages inclusifs et accessibles à tous les publics, cette stratégie s’oriente autour de cinq axes, parmi lesquels : répondre aux besoins de toutes les populations, traiter l’ensemble de la chaine de déplacement, mais aussi laisser un héritage méthodologique en termes d’accessibilité.
Nous avons souhaité profiter de l’accueil des Jeux paralympiques, pour en faire un catalyseur en termes d’accessibilité universelle, avec comme mantra : ce qui est indispensable pour 10 % des usagers, est utile à 40 % d’entre eux et confortable pour tous. Concrètement, nous avons par exemple développé sur le Village des athlètes une signalétique inclusive, qui vise à penser la signalisation dans l’espace public. C’est un projet qui a été rendu possible grâce au soutien de notre fonds d’innovation.